Vendredi 17 août 2012. Tirana, jour 2


Chapitre 15 sur 16.
(31 pages et 29 photos dans la version complète)

Extrait :



Le petit déjeuner à l’hôtel Livia nous aurait coûté sept euros par tête : on avait donc fait quelques courses la veille pour pouvoir le prendre entre nous dans une de nos deux chambres. Puis c’est le départ pour la suite de notre découverte de la ville, avec au préalable une petite sortie dans la rue où je me rassure en voyant que la voiture est toujours là... et que celui qui voudrait la voler ou la visiter devrait ce matin-là composer avec les quelques cageots de fruits et de légumes qu’un petit marchand a placés plus ou moins autour, côté trottoir, et plus ou moins dessus (!), ce qui ne me dérange pas franchement. Lui et d’autres vendeurs se sont en effet installés là pour profiter des clients de la boulangerie face à laquelle j’avais garé la voiture ; ceci explique cela.

On a déjà vu beaucoup des choses parmi celles que Tirana réserve aux touristes qui la visitent. La question ce matin est donc de savoir par quoi commencer, et comme personne ne sait vraiment dans quel ordre il voudrait faire les choses, je propose qu’on aille avant tout jusqu’au bureau de poste qu’indique mon plan sur la rue Elbasanit afin d’y acheter les timbres qui nous manquent pour envoyer les cartes qu’on a écrites ou prévu d’écrire. Ça fait un premier objectif, et... qui sait ? Peut-être serons-nous attirés en chemin par une curiosité ou une autre ?! Proposition acceptée !

On est à ce moment-là au pied du chantier de la TID Tower, sur la place Sulejman Pasha où l’on peut voir une statue de l’homme en question (à qui est attribuée, en 1614, la fondation de la ville de Tirana), non loin d’une autre, celle d’un « partisan » fusil à la main. La matinée est belle et les températures s’annoncent élevées. La circulation automobile bat déjà son plein et il y a beaucoup de gens dans la rue allant dans tous les sens, comme si la ville devait faire un maximum avant que la chaleur ne ralentisse tout. A quelques pas de nous, quatre bancs à l’ombre ont déjà été investis par une dizaine d’hommes âgés. Ils palabreront peut-être jusqu’à ce que le soleil les déloge ! Refroidi par l’épisode du parc Vangjush Mio à Korça, je prends des photos d’eux en restant à distance et sans trop porter l’appareil devant mon visage afin que ceux qui me font face ne me repèrent pas. Ces cachotteries font bien rigoler Simon ; m’enfin... Celle prise de loin est acceptable, celles où j’ai zoomé, par contre, donnent le mal de mer !


En été, les places les plus chères sont souvent à l’ombre !


Allez, c’est parti ! On suit l’ancienne rue Punëtorët e Rilindjes (rebaptisée aujourd’hui rue George Bush !) jusqu’à la rue Elbasanit. La voie est importante, de nombreux véhicules l’empruntent et la circulation n’y est donc pas toujours des plus fluides. Qu’à cela ne tienne, on a vu de très nombreux policiers s’occuper de réguler le trafic à Tirana. Ce qui ne veut pas dire qu’on n’a pas vu des gens rouler n’importe comment : certains à fond la caisse, certains en usant du klaxon plus que de raison ou certains, pourquoi pas, en gueulant comme des putois sur ceux contre qui ils avaient un grief ! A la méditerranéenne, quoi ! Cela ne fait pas si longtemps que ça que les Albanais conduisent. Sous Hoxha, c’était réservé à l’élite et c’était de toute façon hors de prix pour le quidam. Et bien ils ont vite pris le pli ! Une fois, on a vu un jeune couple se faire arrêter. Ils roulaient trop vite. C’est Monsieur qui conduisait la voiture de sport, mais c’est Mademoiselle (le genre pin-up !) qui est sortie discutailler avec l’agent de police ! Amende ou pas ? On ne sait pas comment ça s’est fini...


Des marteaux piqueurs bien en vue laissent supposer que leurs propriétaires cherchent du travail...


Il y a un pont ottoman à voir, dans le secteur. Quand on est arrivés sur la Lana, on a donc bêtement regardé de part et d’autre si un pont franchissant la rivière pouvait ressembler à ce qu’on imaginait. Mais pas de vieux pont de pierre en vue : uniquement des ponts en béton ou des passerelles modernes. On laissera donc là ce mystère du pont ottoman ; on le résoudra plus tard.

Il n’apparaissait pas sur notre carte et il m’aura fallu attendre de pouvoir traduire la petite plaque qui est au-dessus de sa porte pour comprendre qu’un joli bâtiment rose qui s’est présenté à nous n’était pas un musée malgré son apparence et malgré la statue d’art moderne qui se trouve devant. C’était l’Institut pour la Réintégration des Anciens Prisonniers Politiques. Comme l’édifice avait une allure spéciale, je me suis d’abord demandé s’il n’était pas d’inspiration ottomane, ce qui m’a fait regarder alentour si notre fameux pont ne s’y trouvait pas. Mais non... Et la statue ? Elle pourrait faire penser à un corps athlétique tronqué et tordu, avec des muscles gonflés, tout en rondeurs. A-t-elle un rapport direct avec l’Institut ? Elle attire en tout cas l’attention et détournerait alors presque les regards des trois plaques de marbre qui se trouvent derrière, contre la clôture de l’Institut. Sur la plaque de gauche est écrit quelque chose comme : « Ce monument est dédié à la terreur communiste qui a commencé à Tirana avec les premiers martyrs en 1944 » (date du début du règne de Enver Hoxha). La seconde, au milieu, liste des noms au-dessus desquels est écrit que « le Président de la République les a décorés de l'ordre de l'honneur de la nation », si ma traduction est juste. Ces plaques ne doivent donc pas avoir beaucoup plus de vingt ans.


Tirana. L’institut de réintégration des anciens prisonniers politiques.


La troisième enfin, à droite, est autrement angoissante : elle donne les chiffres (hommes et femmes) des exécutés, des prisonniers politiques, des morts en prison, de ceux ayant été déclarés comme ayant perdu leurs capacités mentales, des internés et de ceux qui sont morts durant leur internement. Rien que ça... Les tyrans sont toujours pleins d’imagination quand il s’agit d’inventer des motifs pour liquider ceux qui ne veulent pas « marcher droit » !

Lorsque le bureau de poste que l’on cherchait fut en vue, j’y suis allé seul pour éviter à tout le monde de faire la queue à l’intérieur si ça devait être le cas. Comme il y avait, pas loin, plusieurs petites marchandes vendant des bijoux, des bâtons de rouge à lèvres et des tubes de vernis à ongles, je me suis dit que Muriel et Lucile au moins patienteraient d’une manière agréable, surtout que ce n’était pas la première fois qu’on voyait de tels stands, un tel choix de couleurs de produits, et que j’avais bien compris qu’elles voudraient s’arrêter pour en acheter un jour ou l’autre ! Le bureau de poste était assez petit, ou peut-être est-ce l’impression que j’ai eue tant il était bondé ! Plutôt que ressortir aussi sec pour avertir les autres que ça risquait de prendre du temps, j’ai préféré étudier la vitesse à laquelle allaient les choses en commençant à patienter. Beaucoup de personnes étaient assises, d’autres étaient debout. Plusieurs guichets étaient ouverts et il m’était bien difficile de comprendre qui attendait auquel ! Je me suis mis dans la queue la moins longue, il n’y avait que deux ou trois personnes devant moi. Avec mon appareil photo, j’étais forcément le touriste de passage et plusieurs personnes ont entrepris de me parler, mais bien évidemment, je ne comprenais pas ce qu’elles me disaient. Sans doute était-ce pour avoir la confirmation que j’étais bien un étranger, car dès que ça fut clair pour eux, il fut clair aussi que je n’étais pas là pour ouvrir un compte ou quoi que ce soit mais que j’étais là pour acheter des timbres. Une cliente s’est alors levée et a hélé une employée qui, de l’autre côté de la vitre, ne tenait pas de guichet : cette dernière m’a alors servi tout de suite ! J’étais gêné dans cette situation où, bien que ça fut pour d’autres raisons, tout le monde attendait. Je fus aussi ravi que les choses aient tourné comme ça et que l’opération achat de timbres ne se soit pas transformée en une trop longue perte de temps !


Immeuble multicolore, non loin du bureau de poste où je suis allé ce matin-là.



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