Vendredi 10 août 2012. Prishtina
Chapitre 8 sur 16. (44 pages et 37 photos dans la version complète)
Extrait :
Je ne vous parlerai pas des aboiements qui nous ont réveillés, ça serait encore donner trop de place à ce chien qu’on voulait au contraire voir disparaître. Je vous dirai donc juste qu’on s’est levés assez tôt, ce matin-là, mais enjoués à l’idée de faire cette excursion qu’on s’était programmée à Prishtina. Parce qu’il était tôt quand nous sommes sortis de nos tentes, nous avons pris le temps de profiter d’un bon petit déjeuner et de préparer le petit sac à dos dans lequel nous avons mis, en plus de l’eau et du précieux Sopalin, quelques ingrédients pour se faire les sandwiches du midi. Nous avons pris aussi la carte de Prishtina que j’avais imprimée à la maison et ressorti momentanément le guide Petit Fûté Serbie à la fin duquel on compte quatorze malheureuses pages (qui ont, cela dit, le mérite d’exister) sur le Kosovo. Il est dit dans ces pages qu’il faut éviter d’arriver au Kosovo avec une voiture de location immatriculée à Belgrade ; histoire d’éviter de risquer de faire dans la provocation... Il s’agira, dans le même ordre d’idées, d’essayer de cacher un tant soit peu la pochette du guide quand on l’aura à la main, pochette sur laquelle le mot Serbie est marqué en gros !
Une fois que tout le monde fut prêt et que les tentes furent fermées, nous sommes allés à la réception de l’hôtel où nous avons récupéré nos cinq passeports afin de pouvoir les présenter aux postes de douane qu’on allait passer dans les deux sens, à l’aller et au retour. La distance entre Ilinden, où se trouve le camping Bellevue, et la frontière entre la Macédoine et le Kosovo n’est que de trente-cinq kilomètres environ. Prishtina, quant à elle, se trouve à cent kilomètres d’Ilinden. Petit et rapide voyage en vue donc, pour une journée la plus longue possible sur place ! Un voyage que faisaient d’ailleurs, pour la plupart, les correspondants de guerre internationaux qui couvraient les événements du Kosovo, en 1998 et 1999, puisque c’est à Skopje que la majorité de leurs rédactions avaient installé leurs QG. Sur l’autoroute contournant Skopje par le nord, Prishtina est fléchée très tôt. On n’a donc pas eu de mal à trouver le chemin et à rouler vers ces reliefs qui font l’horizon qu’on voit depuis le camping. C’est une autoroute qu’on suivra jusqu’au poste frontière de Hani Elezit : une autoroute en excellent état dont on profitera d’autant plus qu’on sera quasiment les seuls à rouler dessus à cette heure-là, ce jour-là. Trente-cinq kilomètres, dans ces conditions, ça va très vite, et c’est donc rapidement qu’on s’est retrouvés en zone frontalière, où des panneaux mentionnant la KFOR sur le bord d’une route devenue d’un seul coup beaucoup moins jolie nous ont confirmé non seulement la proximité de la frontière, mais ont produit en outre sur nous un effet tout à fait spécial.
Panneaux, quelques centaines de mètres avant la frontière.
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En effet, la signalisation verticale est généralement spécifique, à l’approche d’une frontière : voies pour les véhicules légers, voies pour les poids lourds. Eventuellement voies spéciales pour les usagers ayant quelque chose à déclarer, ou pour les usagers porteurs de tel ou tel passeport... Mais là, ces mentions KFOR, en plus de jouer leur rôle premier d’orientation des véhicules concernés, avaient le don de nous rappeler que la zone pouvait encore être considérée comme sensible ; voire ils déstabilisaient des gens comme nous puisque ces fameux panneaux ne semblaient s’adresser qu’aux véhicules de la KFOR ! Comme si on n’aurait même pas dû être sur cette route ! Les derniers événements les plus meurtriers ayant ensanglanté le Kosovo dataient certes de plus de douze ans ; néanmoins, la déclaration unilatérale d’indépendance du territoire en 2008 avait moins de cinq ans et restait sujet très épineux entre Belgrade et Prishtina, et, par extension, pour la communauté internationale.
Entrer au Kosovo en 2012 demandait encore, côté pratique, quelques réflexions aux touristes comme nous pour organiser leur circuit. Revendiquant ce territoire et ne le reconnaissant donc pas comme un état indépendant souverain, les Serbes sont en effet réputés refuser le passage dans le sens Kosovo-Serbie à quelqu’un qui serait entré au Kosovo par un pays tiers (Monténégro, Albanie ou Macédoine) et qui se serait fait apposer dans son passeport un tampon kosovar : cela voudrait dire aux yeux des Serbes que le touriste en question est rentré sans tampon serbe en Serbie et se retrouverait ainsi « au milieu de la Serbie » de manière illégale ! A l’inverse, passer la frontière serbo-kosovare dans le sens Serbie-Kosovo poserait moins de problèmes : pour les Serbes, cela équivaudrait à rester en Serbie... Cela dit, je ne peux que me faire l’écho ce qui se dit à droite à gauche quand je vous expose tout cela puisque j’avais de toute façon prévu d’arriver au Kosovo par la Macédoine et d’en repartir par le même chemin pour éviter justement de connaître ce genre de tracas... Mais pour mener la réflexion jusqu’au bout, ça pourrait vouloir dire qu’une fois qu’on a le tampon kosovar dans son passeport, on s’expose à des remarques (voire à des ennuis ?) quand on veut aller en Serbie s’ils voient le fameux visa ? Allez, on n’en est pas là. On verra ça le jour où la question se posera !
Pour l’heure, on en était à l’arrivée aux postes de douane, et la question de l’assurance allait bientôt se poser concrètement. Nos assurances personnelle et automobile ne couvrent en effet pas les risques matériels ou physiques encourus au Kosovo, ou, plus précisément, ne les couvrent en Serbie que « dans les zones géographiques serbes sous contrôle du gouvernement serbe » ; je me l’étais fait confirmer par téléphone et par mail avant le départ sans que mon interlocuteur ait pu me proposer quelque contrat spécifique temporaire que ce soit pour notre excursion à Prishtina. Mais pas de panique ! Cette question se règle très facilement, on le verra, moyennant quelques euros. Les plus intrépides peuvent s’en passer, semble-t-il, bien qu’à la frontière, on nous conseille très fortement de s’assurer. (On ne sait pas trop à ce moment précis où est la limite entre le sincère conseil et la maxime « business is business » !). Dans le doute, les touristes peu avertis qu’on était ont préféré suivre le conseil. Voilà qui rajoute en tout cas au folklore de l’entrée en territoire kosovar mais peut dissuader les plus hésitants, ainsi confortés dans leur idée qu’aller au Kosovo est dangereux ! Heureusement, il n’en est rien, ou bien ça doit être à la marge... Les Kosovars comme les autres ont besoin et ont envie de la visite d’étrangers : on n’est plus en période de guerre ! Les zones les plus sensibles resteraient néanmoins le nord du Kosovo où la population serbe est plus importante en proportion et où les frictions sont plus fréquentes. Ce sont des zones où l’on n’aura pas le temps, nous, d’aller lors de cette unique journée.
Bienvenue au Kosovo !
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A la guérite, c’est une douanière qui a visé nos passeports et nous a invités à nous faire assurer après nous avoir demandé si on l’était. On est donc allé se garer un tout petit peu plus loin, juste après le passage des douanes, et, à pied, je suis retourné côté Macédoine dans un bâtiment style Algeco où signer un contrat d’assurance était possible. Deux hommes occupaient le local. Je me suis dirigé vers le plus proche et la conversation s’est déroulée dans un anglais très approximatif. Quelques minutes et trente euros plus tard, nous étions d’heureux assurés, couverts pour une durée de quinze jours, possesseurs d’un très beau document sur lequel notre nom de famille Buoro n’apparaissait bizarrement pas mais sur lequel, par contre, je m’appelais... Monsieur Avenue St Lauis (rapport à notre adresse postale en France) ! Bref, il y avait eu un loupé, comme qui dirait ! Avec une erreur au mot Louis, en plus. Té ! Quand je vous parlais d’un anglais de cuisine... Le tout était donc maintenant de ne pas avoir de pépin : avec notre chance, on finirait bien par nous dire que notre document ne valait rien parce que notre nom ne figurait pas dessus !
Je suis ensuite retourné à la voiture, cette pépite en main, et j’ai demandé à Muriel et aux enfants si on avait bien eu nos coups de tampons dans les passeports. Le fait est que les papiers des parents l’avaient reçu, mais pas ceux des enfants. Aucun des trois. Je suis donc retourné à la guérite où l’on était passés et ai demandé à les obtenir. La douanière m’a alors dit que comme c’était des passeports d’enfants voyageant avec leurs parents, qu’ils aient le visa ou non ne changeait rien... Je lui ai alors expliqué pourquoi je préférais qu’ils soient apposés, lui disant que ça serait un petit souvenir supplémentaire pour eux. Ce qu’elle a bien compris, et c’est avec gentillesse qu’elle s’est exécutée. Tout était en règle. Nous allions donc pouvoir continuer notre route sereinement.
Panneaux de limitation de vitesse comme on n’en voit pas tous les jours !
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On roule au Kosovo ! Si on nous avait dit ça quelques années auparavant, on ne l’aurait peut-être pas cru ! On est là, pleins d’une certaine excitation, contents d’être passés « de l’autre côté » et vraiment curieux de découvrir la suite. Au départ, on est dans des paysages de petite montagne. La route n’est plus aussi large que l’autoroute macédonienne : elle s’est réduite à une chaussée peu large et, comme elle ondule à flanc de colline, elle interdit tout dépassement à qui n’en connaît pas par cœur les méandres et serait assez fou pour se lancer sans être sûr que personne n’arrive en face ! Bien entendu, on aura droit à quelques kilomètres dans le sillage d’un camion, ce qui ralentira notre allure... Mais ça nous permettra d’ouvrir les yeux sur les paysages à voir. Assez rapidement ensuite, les reliefs laissent la place à un paysage de plaine auquel on a alors droit jusqu’à Prishtina. Dans ce cadre plat, la route se fait rectiligne à perte de vue. Colonne vertébrale de la vie qui s’organise autour, elle aimante à elle toutes sortes de constructions : des maisons finies ou pas, abandonnées ou non, de nombreux commerces de matériaux de construction et de multiples « casses auto », aussi... Autant de signes qu’une fébrile reprise économique est en cours ; signes qui balisent le chemin en se faisant visiblement plus nombreux et plus prospères kilomètre après kilomètre, au fur et à mesure qu’on approche de la capitale. Sur les bords de la route, on voit aussi des cimetières, des mosquées, des halles de sport ressemblant toutes à des hangars bâchés semi-cylindriques... On a vu également des marchands de fruits et de diverses autres choses. Des vachers, aussi, ne gardant parfois comme troupeau qu’un seul animal ! A quelques kilomètres au sud de Prishtina, la route devient une chaussée à deux fois deux voies. C’est à partir de là qu’il nous a fallu être vigilants pour ne pas manquer le carrefour auquel on voulait tourner avant de plonger au cœur de la grand-ville puisqu’on projetait en effet, avant de se rendre dans Prishtina même, d’aller visiter la très jolie et non moins renommée petite église de Gracanica. Elle n’était pas indiquée depuis la voie sur laquelle on roulait, on a donc suivi quand il s’est présenté l’itinéraire qui nous a paru le plus logique. Par chance, c’était le bon, ce dont on a pu douter jusqu’au dernier moment puisqu’on a traversé, avant d’arriver, un ou deux petits villages qui n’étaient pas mentionnés sur notre carte routière.
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