Dimanche 5 août 2012. Vukovar


Chapitre 3 sur 16.
(29 pages et 26 photos dans la version complète)

Avec ce troisième chapitre, on rentre dans le vif du sujet. C'est à partir de là que les photos se font beaucoup plus nombreuses que dans les deux chapitres précédents !

Extrait :



Srbija ! On ouvrait ce matin-là l’œil dans un pays où nous n’étions encore jamais allés. Il était relativement tôt et si une franche luminosité traversait les toiles de nos tentes, ce sont plus précisément des aboiements lointains et de régulières séries de coups de marteaux donnés sur des objets métalliques qui nous ont tirés du sommeil. Chacun de nous s’est levé assez vite : on était tous très curieux de voir de jour ce camping dans lequel on était arrivés de nuit !

Le camping Budzak d’Apatin est un terrain plat rectangulaire coupé en deux dans le sens de la longueur par une allée centrale en gravier. De part et d’autre, de grasses pelouses extrêmement bien entretenues ne sont dotées que de quelques arbres et arbustes qui matérialisent les séparations entre les emplacements.

Nous nous sommes installés dans un emplacement du fond, près des équipements que propose le lieu : une piscine hors sol, une petite estrade en bois surmontée d’un toit que l’on imagine accueillir à l’occasion groupes de musique et autres spectacles de vacanciers, un petit bac à sable, un portique avec balançoires, quelques jeux en plastique pour les enfants, une borne fontaine et un petit bar prolongé par une grande terrasse avec, sous sa pergola, des tables en bois et leurs bancs indissociables.

Derrière le bar, on trouve deux cabines de douche rappelant plutôt des appentis de bricoleur, leurs cloisons étant de simples panneaux de bois qu’on ferme à l’aide de minuscules loquets. On trouve aussi un évier, un lavabo, et deux cabines pour les toilettes : une pour les femmes et une pour les hommes. Tout est très propre, et c’est d’autant plus agréable qu’avec la chaleur qui nous tombe dessus dès le petit matin, se rafraîchir sous la douche est une activité « à volonté » dont on ne se privera pas !

Autour du camping clos par un grillage, il y avait des vergers, et les maisons qu’on apercevait d’un côté ou de l’autre étaient assez éloignées pour garantir le calme à leurs occupants autant qu’aux campeurs. Quelle tranquillité ! Et quelle impression... d’être les rois du monde ! Seuls comme on l’était, on s’est vraiment très vite sentis comme chez nous, pouvant profiter à volonté des installations sans gêner qui que ce soit ou pouvant faire et dire ce que l’on voulait sans avoir à se soucier du regard d’autrui.

Le petit déjeuner qu’on prendra ce matin-là aura la saveur de ceux, idéaux, que les publicitaires organisent pour nos yeux et nos cerveaux dans leurs spots télé ! Le seul risque devenant la tentation de vouloir le faire durer éternellement ou de le transformer en pause lecture...

Se retrouver dans un véritable petit paradis à soi rendait presque agréables des taches comme faire la vaisselle ou la lessive ! Je me souviens m’être attelé à la seconde activité avec un rythme on ne peut plus nonchalant, lavant chaussettes et culottes familiales une par une avec, entre chaque : trajet jusqu’au fil à linge, étendage, et retour à l’évier ! Bon, ce n’est pas que faire la lessive soit mon passe-temps favori, mais on préférait la faire avant de partir en balade pour que tout sèche pendant notre absence. Et le soleil tapait tellement que faire la lessive à ce rythme me permettait de me rafraîchir régulièrement !

Ce fut assez difficile de devoir se soustraire à ces lentes activités auxquelles chacun s’était mis : lecture, farniente, musique, rédaction du cahier de vacances... Ce fut difficile aussi de faire entendre à Olivier qui voulait absolument débâcher la piscine et plonger dedans que si on suivait son plan, ce serait au détriment de notre journée de visite à Vukovar. Mais on n’était pas non plus là uniquement pour se dorer la pilule ! Alors une fois notre campement rangé pour ne pas donner l’impression à d’éventuels autres campeurs qui arriveraient dans la journée qu’on est des cochons et une fois un de nos sacs à dos préparé pour la journée avec papiers, argent, bouteille d’eau et guide, on s’est tous installés dans notre Hyundai vidée de tout ce qui pouvait rester sous la tente et on a mis le contact...

Même topo qu’hier au soir : c’est nous qui avons ouvert le portail. Cela sous l’œil d’une petite caméra qu’on n’avait pas vue, accrochée à la façade du petit cabanon de la réception, et qui nous a fait espérer n’avoir pas trop fait les idiots sous les yeux de quelqu’un qui aurait surveillé, à distance, le camping ! Une fois le portail refermé derrière nous, un vieil homme vivant dans une maison proche est venu nous faire un brin de conversation, en allemand, nous demandant si on ne voulait pas passer chez lui, le soir venu, pour acheter un demi cochon qu’il aurait tué dans la journée ! La proposition était alléchante du point de vue gastronomique. Dans la perspective de communication avec des gens « du cru », aussi. Elle l’était moins dans la mesure où nous n’avions pas les moyens techniques de conserver au frais sur plusieurs jours ce qui ferait beaucoup de viande ! On l’a donc remercié et on s’est éloignés sans lui avoir répondu trop clairement, gênés de nous dérober ainsi mais à peu près certains qu’à notre retour, on ne serait pas dans les meilleures dispositions pour faire bonne figure le temps d’une soirée dont on ne maîtriserait pas la durée. On n’aurait été que deux adultes, on aurait pu prendre sur nous. Mais embarquer les enfants dans une veillée au cours de laquelle ils n’auraient rien suivi et n’auraient fait que bailler n’était pas une bonne idée. Encore, s’il y avait eu des adolescents de leur âge...

Nous avons retrouvé notre digue d’hier soir. Haute de plusieurs mètres, enherbée de part et d’autre et très large à sa base, elle protège les riverains des crues du Danube et permet à une étroite route d’exister sur sa crête. L’eau que l’on peut distinguer en contrebas entre les arbres n’est en réalité pas le Danube à proprement parler : c’est un bras du fleuve apprécié par les baigneurs qui viennent coloniser ses rives le temps d’après-midi « pique-nique en famille ». Côté terrains protégés, quelques alignements de ruches nous laissent deviner qu’on ne devrait pas avoir de mal à trouver du miel dans le secteur !

Apatin est une ville d’assez petite taille, quadrillée géométriquement par ses rues dans lesquelles il faudrait le faire exprès pour se perdre. Nous trouvons donc rapidement notre chemin et nous la traversons du nord au sud en ouvrant quand même l’œil pour prendre quelques repères qui pourraient s’avérer nécessaires si l’on devait de nouveau se retrouver dans le noir le soir ! Ainsi, des enseignes de restaurants (avec le Danube tout proche, le poisson de rivière est une spécialité), un kiosque à journaux ou l’importante « Apatinska Pivara » (grande brasserie d’où sort la locale bière Jelen dont nous saurons plus tard nous régaler), sont autant de petits cailloux pour les Petits Poucets que nous sommes !

Nous avions des kunas pour la journée prévue côté croate mais n’avions toujours pas de dinars serbes. Par chance, dimanche est jour de marché à Apatin, et là où il se tient, quelques boutiques sont ouvertes ainsi qu’un petit kiosque qui fait bureau de change. Nous changeons donc une centaine d’euros et arpentons ensuite le « circuit aller et retour » que dessinent les deux allées accueillant les différents étals du marché.

Quelques marchands de produits « Made in China » chez qui Olivier ne trouvera ni les tongs ni les lunettes qu’il se souhaitait côtoient les plus nombreux marchands de fruits et légumes. Nous achetons « pour rien » quelques tomates et des nectarines. Deux bouteilles d’eau, aussi, que nous commençons à boire tout de suite tellement il fait chaud. Nous passons ensuite acheter du pain dans une boulangerie dans laquelle quelques clients consomment sur place leur burek et nous reprenons la voiture mais décidons très vite de nous arrêter encore, cette fois dans un petit supermarché où nous achetons carrément deux packs de six bouteilles d’un litre et demi d’eau, écoutant cette intuition nous susurrant qu’on allait devoir boire énormément pour pouvoir recycler ce que nous allions devoir transpirer sous le cagnard !

On a vu que les mobylettes étaient dotées de plaques d’immatriculation mentionnant en toutes lettres le nom d’Apatin, celui-ci figurant devant quelques chiffres. Sans doute verrions-nous ailleurs, en fonction des cantons, d’autres immatriculations locales.


Eglise et clocher face à la supérette d’Apatin où nous avons fait le plein... d’eau !


Nous empruntons ensuite la route qui doit nous reconduire aux postes frontière traversés la veille et nous revoir refranchir le Danube.

Ce sont deux femmes qui occupent les guérites serbes, ce jour-là. Comme je dis bonjour en serbe à celle qui prend nos passeports, celle-ci me répond par la pareille. Mais lorsqu’elle me pose ensuite la question « Kako ste ? », elle doit vite se rendre compte que je suis arrivé au bout de mon savoir dans sa langue ! On a continué la conversation en anglais... A vrai dire, j’aurais dû me douter du sens de sa question (Comment allez-vous ?) et j’aurais dû lui répondre un « Dobro » (bon, bien) qui n’aurait peut-être pas été juste, mais qui aurait au moins fait illusion !

Après les vérifications d’usage et une fois le scan de nos passeports effectué, elle me demande d’où on arrive et où l’on va. On lui répond donc qu’on séjourne au camping d’Apatin et qu’on part visiter Vukovar. Elle ne doit pas être très surprise de voir des touristes se rendre dans cette localité voisine si proche de la frontière. Elle en profite cependant pour nous faire la publicité en bonne et due forme pour la petite ville serbe de Sombor qui se trouve non loin d’Apatin et où il y aurait plein de belles choses à voir... Où elle nous dit habiter, aussi !


Pont parallèle à celui que nous empruntons pour franchir le Danube.


Côté croate, ce sont les mêmes questions, mais avec en plus la demande d’ouverture du coffre de la voiture et de notre coffre de toit. Ceux-ci sont bien vides, le plus gros de nos affaires étant resté sous les tentes au camping. On passera donc sans complication aucune, mais devant nous, c’est une autre histoire pour les occupants d’une voiture immatriculée en Italie que les douaniers font vider méticuleusement. Sur une table prévue à cet effet, on voit les Italiens (à moins que ce ne soit des Serbes habitant en Italie ?) poser leurs affaires, sorties les unes après les autres de leur véhicule, y compris un de ces filets géants pleins de poivrons comme on en a vus au marché et comme on en verra souvent sur les étals des petits marchands de bords de routes !

On a vu beaucoup de fruits à vendre sur le bord des routes. On décidera d’acheter sur le chemin du retour une de ces grosses pastèques qui nous font très envie.


Bienvenue à Vukovar !


On arrive à Vukovar en fin de matinée où l’on prend tout de suite la direction du centre ville. Les premiers quartiers que l’on traverse ne donnent pas à la ville un visage très gai. C’est en tout cas l’impression que nous laisse la longue route droite sur laquelle on roule, de part et d’autre de laquelle on peut apercevoir des zones plus ou moins industrielles tristounettes comme on en a aussi chez nous. Ce qui ressemble au centre ville se présente peu après.


Vukovar : un bâtiment comme tant d’autres, resté en l’état depuis la fin des conflits.


C’est en face du bâtiment que vous voyez sur la photo ci-dessus que nous nous sommes garés. Brutalement, cet édifice ravagé nous a rappelé combien violents furent les combats qui mirent Vukovar à genoux ! Un sentiment de malaise le partagea alors avec la joie que nous avions d’être ici.

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